Des Egyptiens que j’ai rencontrés à Paris : Boutros Boutros-Ghali, une école qui s’appelle « prestige » (8)
Les causeries du vendredi à Paris
Des Egyptiens que j’ai rencontrés à Paris :
Boutros Boutros-Ghali, une école qui s’appelle « prestige » (8)
Boutros Boutros-Ghali a pu acquérir une vaste célébrité en France grâce à son travail universitaire et journalistique, avant même de devenir un éminent diplomate. En effet, il appartenait à une vénérable famille copte francophone non seulement du point de vue de la langue, mais aussi du goût et des tendances.
La langue française était une seconde patrie pour cet homme qui allait devenir secrétaire général des Nations unies, puis – ce qui était le plus important de son point de vue et du nôtre – le premier président de l’Organisation de la Francophonie. Et c’est alors que Boutros Ghali devint plus cher aux Français – et au président Jacques Chirac en particulier – que toute autre chose, voire un symbole du défi de la volonté française face à la volonté américaine de s’opposer à sa candidature à un second mandat à la tête des Nations unies. C’est comme si la France avait placé dans les mains de cet Egyptien éminent l’héritage de sa langue et de son « prestige » politique, exactement comme l’avait fait l’Egypte lorsqu’elle plaça en lui son âme africaine et, ainsi, fit de lui un symbole de sa tolérance.
A chaque article que j’écrivais à son propos ou chaque entretien que j’avais avec lui, il demandait à le revoir dans le détail, affirmant : « Tu ne dois pas donner aux sots une seule lettre dans laquelle ils pourraient cacher les armes de leurs mauvaises intentions à ton égard ». Et à chaque livre que je publiais, il assistait à la cérémonie de lancement, ce qui était une cause de prestige, du fait qu’il amenait ainsi les ténors du journalisme et de la politique de la société parisienne.
Il habitait rue Saint-Dominique à proximité de l’Assemblée nationale française, et il choisissait le fameux café Le Bourbon pour inviter et rencontrer les grands journalistes et politiciens égyptiens et arabes.
Je n’ai jamais marché avec lui dans les rues de Paris, si ce n’est la distance entre son domicile et Le Bourbon, soit à peine cinq minutes, mais à pied cela était toujours et partout une source de plaisir et d’enrichissement. A chaque pas, il racontait un secret politique sur Sadate ou sur Moubarak ou une situation comique avec le ministre des Affaires étrangères d’un certain pays ou avec un intellectuel. Tout cela sur le mode humoristique, même si je sujet était dramatique.
Boutros Ghali a eu des élèves en diplomatie, des disciples dans la pensée libérale, et des amis habités par dans la culture française dont je faisais sans doute partie.
Il considérait que la vie de l’Egypte reposait sur ses racines africaines . La langue de Molière était alors était son arme pour relier l’Egypte à sa profondeur africaine, et ce fut pour moi une leçon importante pour comprendre comment utiliser la culture comme arme en politique.
Commémorons le souvenir de Boutros Ghali et que Dieu accorde longue vie à son épouse Léa.